Ça se passe à Milan via Borgonuovo, 19. Au Palazzo Orsini, un splendide édifice du XVIe siècle avec galerie, jardin et cour intérieure,où sont installés les studios de création du numéro un de la mode italienne, Giorgio Armani.
Giorgio. Il Re Giorgio, comme on l'appelle ici. Celui qui a démarré en 1975 dans un deux-pièces du centre-ville. Et qui, du haut de ses 73 ans, possède aujourd'hui un empire. Giorgio Armani SpA : huit lignes de vêtements, 400 boutiques dans le monde, 4 700 salariés, treize usines, un chiffre d'affaires de 1,6 milliard d'euros en 2006 pour plus de 150 millions de bénéfices. Une pointure parmi les grands de la mode. Un homme capable de cibler tous les âges et de faire le grand écart entre haute couture et fast fashion – prêt-à-porter conçu et mis en vente dans des délais très courts façon H&M –, sans se faire mal ni perdre en prestige. L'homme-orchestre qui dirige tout de A à Z – la création, la production, la distribution, les investissements, les stratégies de développement… – au sein du groupe qu'il a créé et dont il est toujours l'unique propriétaire. Une situation rare en ces temps de rachats par les grands groupes.
UNE INCROYABLE MAÎTRISE DE SOI
A l'atelier haute couture, on s'affaire à la collection printemps-été 2008. Il y aura des tenues de jour, de cocktail, de soir, de très grand soir. Une cinquantaine de créations au total. A un mois du défilé – le 21 janvier à Paris – quinze seulement sont prêtes. Des étoffes sur les tables. Des soies, des mousselines, des organdis. Des robes en construction sur des "mannequins couturière". Ici, une jupe bouffante bleu aviateur tout en plissé origami (la technique japonaise du papier plié appliquée au textile), courte devant et longue derrière, surmontée d'un bustier au décolleté brodé de cristaux Swarovski. Là, une robe longue couleur crème piquée de fleurs en soie chiffon rouge et noir. Gestes précis, silence concentré des ouvrières qui sont toutes en blouse blanche. Nulle ne prête attention au stress environnant. Une partie du staff de la " com " est là à attendre le boss. Ça téléphone, ça va et vient, ça s'impatiente. Le planning du patron comme toujours est très serré. Mais il est 16 h 15. Et pour la promotion de Diamonds, la dernière fragrance de la ligne Emporio, M. Armani doit retrouver Beyoncé Knowles à 17 h 30 dans un grand magasin – la chanteuse est l'égérie du parfum. Dans l'intervalle, il faut caser la prise de vues et l'interview du Monde 2. Le photographe et la journaliste attendent depuis plus d'une heure. Il y a de l'électricité dans l'air.
Ce qui frappe, quand on rencontre Giorgio Armani, c'est l'incroyable maîtrise qu'il a de lui-même. Regards, sourires, bons mots, bons gestes et attitudes. Le Re sait précisément ce qu'il donne. Devant l'objectif, il sert à volonté les expressions qu'on lui connaît. Giorgio l'enjoué, le sévère, le charmeur, l'impénétrable, a fait en un peu plus de trente ans 130 couvertures de magazines et des milliers de clichés avec les stars et célébrités du monde entier. Un métier à part entière. Toujours, il pose devant un fond noir. Et pour contrôler la qualité du point de vue, son assistant doit se tenir à côté du photographe. Maîtrise, contrôle, chance, des mots avec lesquels Giorgio a construit sa réussite.
"Vous vous trouvez beau ?"
"Je me déteste !", dit-il en riant. Dans un des salons du Palazzo Orsini, l'homme se cale au fond d'un luxueux canapé et accepte, beau joueur, de livrer quelques confidences. Il aurait aimé être grand, pas de bol, il est petit. Il aime les nez qui en imposent, le sien est en trompette. Il admire les gens qui restent beaux quand ils ne sont pas coiffés. Il ne ressemble à rien sans un coup de peigne… "Pendant très longtemps, je me suis vu comme un homme au physique pas intéressant. Je ne me préoccupais pas de moi. Pas du tout. A 50 ans, j'ai commencé à me trouver mieux… Un peu mieux !" Depuis, lui qui n'était pas sportif s'astreint à une heure de gym chaque matin dans sa propre salle de sport, sous la houlette d'un coach personnel. De là cette forme étonnante pour un septuagénaire, cette aisance de jeune homme. Mais aussi ce dos taillé en V et ces beaux biscoteaux qu'il donne volontiers à voir dans ses fameux tee-shirts près du corps, noirs ou bleu marine. Mais non, c'est vrai, il se déteste.
La haute couture, pour Armani, c'est une nouveauté. Ou presque. En 2005, au moment où la plupart des grandes maisons (Givenchy, Ungaro, Versace…) abandonnent cette activité ultracoûteuse, le Re, lui, décide de s'y mettre. A 71 ans. "C'était une sorte d'amusement personnel, un défi, explique-t-il. J'ai voulu montrer ma capacité à faire des vêtements haut de gamme. " Naturellement, il l'a prouvé. Grand raffinement, extrême élégance, sens poussé de la mesure, jamais de faute de goût… Ainsi parle-t-on depuis deux ans des collections Giorgio Armani Privé. "Avec lui, on n'est jamais dans le spectacle, dans l'extravagance, mais dans le somptueux. Armani ne cherche pas à surprendre, il se contente d'émerveiller…", considère Didier Grumbach, président de la Fédération française de la couture.
Mais, quel intérêt pour une marque de faire de la haute couture quand on sait qu'il n'y a que quelques centaines de clientes dans le monde ? Et que toutes les maisons s'appuient aujourd'hui sur leur prêt-à-porter pour exister ? "La notoriété d'Armani a toujours été très forte. Sa diffusion est mondiale. Mais il y a un seuil où la marque de prêt-à-porter se vulgarise, poursuit Didier Grumbach. La haute couture lui a permis de se distinguer de ses confrères. Elle constitue pour lui un avantage concurrentiel." Et lui permet par ailleurs de rester l'un des symboles du luxe quand il ouvre en Asie, en Amérique du Sud, aux Etats-Unis et bientôt en Europe de nouveaux magasins A/X (Armani Exchange), dans lesquels on peut s'habiller à partir de 25 €.
LA LIBÉRATION DU COSTARD-CRAVATE
Quoi d'autre ? Que pourrait dire Giorgio qu'il n'a déjà dit ? Son histoire est enseignée dans les écoles de mode et de commerce. Naissance en 1934 dans une famille modeste de Piacenza, petite ville au sud de Milan. Son père est comptable. Sa mère a un sens inné du style et confectionne elle-même les vêtements de ses trois enfants. Après guerre, on s'installe à Milan. L'Italie est en pleine reconstruction, les temps sont durs. Plaisir suprême : les films américains projetés au cinéma du quartier. Armani adore. L'élégance, la classe, l'allure d'acteurs comme Clark Gable ou Cary Grant lui tapent dans l'œil. Mais il lit La Citadelle d'A.J. Cronin et veut devenir médecin. En troisième année de fac, il est appelé au service militaire. Et veut ensuite gagner sa vie. Direction La Rinascente, premier grand magasin de Milan où il met en scène les vitrines, assiste les acheteurs auprès des fabricants, s'avère assez doué pour repérer les styles, les vêtements attendus par les jeunes. A 30 ans, il entre chez Nino Cerruti qui lui apprend la coupe, les textiles, les techniques de création. Et lui confie la direction d'une nouvelle ligne homme, Hitman.
C'est donc par le vêtement masculin que Armani entre en mode. Avec lui aussi qu'il va faire la révolution quand il lance sa propre marque au milieu des années 1970. Pantalons sans pli, vestes sans épaulettes, chemises sans col amidonné. " D'emblée, Armani a déstructuré le costume, explique Florence Müller, historienne de la mode, il l'a dépossédé de son aspect rigide en utilisant des matières qui se passaient d'entoilage, des jerseys de laine, des lins, des tramés alliant souplesse et tenue naturelle. " Pour la première fois, le costume révèle la sensualité du corps, devient aussi confortable à porter qu'un tee-shirt. Une libération pour les prisonniers du costard-cravate. Une élégance irrésistible que Richard Gere a rendue mythique dans le film de Paul Schrader, American Gigolo (1980).
Malin, Armani propose la même formule aux femmes. Et transforme de facto leur façon de s'habiller. Tailleurs pantalons aux lignes fluides. Vestes souples au tomber parfait. Tons neutres, minéraux, naturels. Des gris, des beige, du grège. Un style féminin androgyne qui accompagne l'ascension des femmes vers le pouvoir dans les années 1980. Giorgio ou le symbole de l'égalité entre les sexes. Giorgio l'intuitif, le stratège, qui associe son nom à l'idée de réussite. Toutes les réussites.
A Hollywood, Giorgio Armani dispose d'un vrai fan-club : Cate Blanchett, Julia Roberts, Jodie Foster, Penélope Cruz, Katie Holmes, Tom Cruise, Brad Pitt, George Clooney, Clint Eastwood, Will Smith, Denzel Washington, Leonardo DiCaprio et consorts, jeunes ou vieux. Le red carpet, le principe qui consiste à habiller les stars lors de grandes cérémonies comme la remise des Oscars, c'est lui qui l'a inventé. " La plupart des grandes maisons sont représentées aujourd'hui à Hollywood, mais Armani est le premier à avoir ouvert des bureaux là-bas. Wanda McDaniel, la femme du producteur du Parrain et de Million Dollar Baby, en assure la direction depuis vingt ans. Il a vraiment joué un rôle de pionnier dans le rapprochement des milieux de la mode et du cinéma. C'est comme ça qu'il s'est fait connaître aux Etats-Unis, qui représentent aujourd'hui son premier marché ", rapporte Philippe Pourhashemi, consultant mode et luxe indépendant. New York, longtemps, a eu lui aussi sa déléguée Armani : Lee Radziwill, princesse et sœur de Jackie Onassis. Un autre genre. Une autre idée de la réussite.
Chercher sa part de singulier, sa part d'être sensible. Armani le couturier le plus riche du monde (sa fortune personnelle est estimée à 4,5 milliards d'euros). Armani et sa collection de maisons – à Broni, son petit Versailles, au nord de Piacenza, à Saint-Tropez, à Pantelleria, le caillou volcanique perdu en Méditerranée, à Antigua-et-Barbuda. Armani et son yacht de 50 m baptisé Mariu, diminutif de Maria, prénom de sa maman. Armani et ses appartements à Paris, à New York. Armani l'homme heureux. Au moins en apparence. " J'ai beaucoup de maisons, beaucoup d'argent, mais je ne peux pas en profiter ! " Pas un homme de salon, pas un mondain ni un jet-setter : Giorgio est un bourreau de travail qui ne sait pas s'arrêter. " J'aurais dû concilier mon travail avec un peu de folie à côté. Je n'ai pas su. Et puis il y a les accidents de la vie. Quand j'ai perdu Sergio [Sergio Galeotti, cofondateur de la maison et compagnon de Giorgio Armani, disparu en 1985], j'ai dû montrer que j'étais capable de poursuivre, de donner une suite à ce que nous avions construit tous les deux. " Prouver, démontrer, relever des défis. Peut-être son moteur.
Patron exigeant, capable de colères énormes quand les choses ne sont pas conformes à ses décisions, Armani admet avoir un caractère particulier. " Je peux changer d'humeur plusieurs fois par jour. C'est difficile pour mon entourage de savoir quel est le bon moment pour me parler, je m'en rends compte. Mais je change sans arrêt de casquette. On me présente une collection. Je modifie, je corrige, je vérifie. Il y a la publicité, les ouvertures de magasins, la concurrence, les investissements… J'endosse un rôle, une façon d'être différente à chaque heure de la journée. " Bosser, bosser encore, bosser toujours. Même quand il sort le jeudi soir au Privé, le club qu'il a ouvert via Manzoni, Armani travaille. "Les clients viennent me saluer, me dire bonsoir, me dire qu'ils m'admirent… Je vais là-bas pour m'amuser, mais finalement je travaille…"
DES SUGGESTIONS TRÈS ARGUMENTÉES
A-t-il une vie privée ? Non. Pas le temps non plus pour ça. Et puis, il a sa façon à lui d'envisager les sentiments. Il préfère aimer qu'être aimé, donner que recevoir. " On n'a pas de pouvoir sur les sentiments des autres, être aimé ne dépend pas de soi. Je me sens toujours plus sûr de moi dans le don parce que c'est moi qui décide. " Ses amis ? Pour la plupart de proches collaborateurs, comme Leo Dell'Orco, le directeur de création Giorgio Armani homme, ou Robert Triefus, le vice-président du groupe. Des gens qui partagent la passion qu'il a pour son entreprise, la vivent avec lui. Parfois, pour un temps seulement. " Quand mes proches font le choix de partir, je vis ça comme un abandon. C'est une de mes faiblesses. " Et d'admettre dans la foulée qu'en dehors de son travail, il se sent " perdu, seul au monde ".
"La liberté vous fait peur ?
– Un peu.
– Pourquoi ?
– Parce qu'elle oblige à sortir de son rôle… "
Evidemment, quand on fait de la mode, on s'expose à la critique. A fortiori quand on a des années de métier derrière soi. Le style Armani ? Toujours le même. Cette élégance sobre, simple, zéro défaut ? Pas drôle. Dès ses débuts, Armani a affirmé sa volonté de faire des vêtements portables et, qui plus est, portables par toutes les femmes, pas seulement par celles qui posent dans les magazines. A cette règle, il n'a jamais dérogé. " Je n'aime pas les fashion victims, ces gens qui changent sans cesse de style parce qu'on leur dit que ce qu'ils portent est déjà dépassé. Il faut savoir refuser la mode si elle trahit ce que l'on est ", aime-t-il répondre quand on l'interroge sur le sujet. L'ennui, c'est que la presse féminine, les rédactrices de mode en particulier, s'adresse beaucoup à des fashion victims. Elles veulent donc de l'audace, de la nouveauté, de l'inattendu, mieux : du jamais-vu. Or Armani, pour elles, c'est consensuel. Alors elles zappent. Et Giorgio se fâche. Une " ex- " de la communication des parfums Armani chez L'Oréal se souvient : " Au moment des défilés prêt-à-porter à Milan, il y a des réunions avec les grands éditeurs de presse. M. Armani a sous les yeux les analyses des parutions qu'il a obtenues dans les différents titres où il a investi en publicité. S'il n'est pas satisfait, il le dit. " A ce jeu-là (pratiqué, disons-le, par tous les annonceurs et de façon souvent bien plus agressive), Giorgio est gagnant.
Quand on consacre 10 % de son chiffre d'affaires annuel à la pub, on a le choix des bénéficiaires… Seule à ne pas avoir cédé à la pression, Anna Wintour, la patronne du très sélect Vogue US. Il y a quelques années, celle-ci a refusé d'intégrer davantage de pièces Armani dans ses séries mode, en dépit de suggestions très argumentées de la part du Re. Qui a fini par aller offrir ses dollars ailleurs. Pas de quoi crâner : l'histoire veut que les deux parties se soient depuis réconciliées. Autre sanction possible : l'interdiction de défilés. "Si vous n'aimez pas Armani et que vous le dites à vos lecteurs, vous prenez le risque de ne plus être invité à ses collections", rapporte une styliste. C'est ce qui est arrivé l'hiver dernier à Cathy Horyn, journaliste au New York Times, auteure d'un papier jugé impertinent, voire carrément injuste.
Pour autant, dire qu'Armani est consensuel est assez vrai. " Sa garde-robe est fondée sur beaucoup de classiques, ses vêtements sont synonymes de luxe, mais sont faciles à choisir, faciles à s'approprier ", observe l'historienne Florence Müller. " C'est bien pour ça qu'il les vend !, ajoute le consultant Philippe Pourhashemi. Ce qui est loin d'être le cas de ses concurrents qui font leur chiffre d'affaires non pas avec les vêtements mais avec les accessoires comme les sacs et les chaussures… " En résumé, Giorgio Armani sait faire consensus sur un marché lui-même plutôt consensuel. Ce que se gardent bien de dire les critiques. " C'est un incroyable businessman !, dit Robert Triefus, vice-président en charge de la communication monde d'Armani SpA. Il n'a jamais mis les pieds à Harvard, ni dans aucune école de commerce : il a le business dans les tripes, il prend ses décisions à l'instinct. " A l'instinct, voilà comment Giorgio a construit son empire et exploite le potentiel de sa marque. Armani, c'est de la haute couture, du prêt-à-porter pour tous les âges et tous les pouvoirs d'achat, des jeans, des lunettes, des sous-vêtements (David Beckham photographié en slip par Mert Alas et Marcus Piggott, en ce moment en campagne d'affichage), des bijoux, des parfums chez L'Oréal (Acqua di Gio, 1er masculin vendu dans le monde), des cosmétiques pour femmes et bientôt pour hommes (également une licence L'Oréal), des meubles (Armani/Casa, mobilier de bon goût tendance Art déco), un téléphone portable (Samsung), des intérieurs de voitures en édition limitée (Mercedes) et maintenant du conseil pour l'aménagement et la décoration d'appartements, des résidences de luxe et des hôtels. Le 20 Pine à New York. Un immeuble où l'on peut acheter des appartements ultrahaut de gamme avec piscine sur le toit et service de concierge 24 heures sur 24. Des appartements entièrement aménagés (cuisine et salle de bains comprises) par Armani/Casa.
Les Armani Hotels and Resorts. Une licence accordée à Emaar Properties, un groupe de Dubaï, pour la construction et l'exploitation d'une dizaine d'hôtels et de complexes touristiques dans le monde. Au total, un investissement de 1 milliard de dollars et une première ouverture prévue cette année à Dubaï dans une tour en fin de construction, la Burj Dubaï, conçue pour être la plus haute du monde.
UNE SUCCESSION EN SUSPENS
Son style, son élégance minimaliste, son goût pour un confort sobre mais rassurant, Armani les met aujourd'hui au service de l'expérience du luxe. Il propose une manière de vivre, d'envisager l'existence, de considérer ce qui est beau. Et ça marche. " En Russie et dans les pays émergents, Armani fait un tabac. Ces consommateurs sont moins avancés que nous sur le plan de la culture du luxe. Ils ont besoin de références ", observe à Milan Carlo Pambianco, analyste du secteur de la mode et du luxe.
Et puis, il y a la tour Armani/Ginza à Tokyo, inaugurée en novembre 2007. Treize étages, 6 600 m2 entièrement dédiés à l'univers Armani avec restaurants et spa en prime. Dior, Hermès entre autres avaient érigé déjà là-bas leur totem. La course à la visibilité, Giorgio y participe comme les autres et dit qu'il n'a pas le choix : "C'est le système qui veut ça ! Si je n'ai pas de tour à Tokyo et que les autres en ont une, on m'oublie !" Le système est dingue, boursouflé, mais que faire ? Giorgio n'a pas le choix, pour lui c'est ça ou mourir.
Cet empire, cette fabuleuse cash machine, nul ne sait aujourd'hui ce qu'il en fera demain. Dans les prochaines années, la question de la succession va se poser. Giorgio n'a pas de descendance directe. Quid de son groupe lorsqu'il disparaîtra ? Pour l'heure, l'homme n'a pas pris de décision. Il a du temps devant lui, quitter son fauteuil n'est pas à l'ordre du jour. De cela, on aurait aimé parler avec lui. Pas forcément de vendre au plus offrant, entrer en bourse, léguer le tout à la Fondation Armani qui sera inaugurée cet été à Milan. Mais du fait d'avoir à abandonner un jour ce qui lui est le plus cher, ce qu'il a créé de ses mains, fait grandir, d'avoir à laisser tout ça continuer sans lui. Le temps ne l'a pas permis. Son assistant trépigne d'impatience. Giorgio doit partir. Giorgio a rendez-vous avec Beyoncé Knowles à La Rinascente.
Quand même, une dernière question. "Et si une petite fée vous proposait de réaliser trois vœux, vous lui demanderiez quoi ? – Une santé de fer. Une mauvaise mémoire pour oublier les offenses. Mourir en souriant."
Diane Wulwek
Source : Lemonde.fr